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Auteur : Thomas PEDOT
Publiée : 09 janv. 2019
Mise à jour : 28 févr. 2024

Afrique et mobilité électrique : cette indispensable opportunité

Le marché mondial des véhicules électriques est en pleine expansion depuis quelques années. Les ventes de voitures électriques ont augmenté de 55 % en 2022, grâce à la demande croissante en Chine, en Europe et aux États-Unis. Il est impressionnant de constater que près d'une voiture sur cinq vendue en Chine et en Europe est maintenant une voiture électrique rechargeable (BEV et PHEV). Cependant, dans le sud, notamment en Asie de l'Est et du Sud-Est, ce sont surtout les deux-roues qui dominent cette révolution électrique.En Inde, par exemple, les ventes de deux-roues électriques ont connu une augmentation de 132 % en 2021. La Malaisie, le Pakistan et la Thaïlande suivent également cette tendance, tandis que l'Afrique semble toujours en retard.

L'électromobilité en Afrique : entre obstacles et opportunités

L'Afrique, qui est la dernière frontière de l'industrie automobile, est également la dernière grande région du monde à adopter la mobilité électrique. Cependant, les véhicules électriques (VE) bénéficient d'une attention sans précédent depuis quelques années. Beaucoup considèrent cela comme une opportunité indispensable pour le continent, en négligeant les divers obstacles qui se dressent sur son chemin, entre autres : Le faible taux de motorisation et la dépendance aux véhicules d'occasion sont des défis importants à relever. De plus, l'accès difficile à l'électricité et la fiabilité des réseaux, ainsi que les revenus relativement bas par habitant face aux prix élevés des véhicules électriques, sont autant de contraintes à considérer. En outre, les mix électriques fortement carbonés posent également un problème environnemental majeur.

Alors, que faire ? Réglementer sur la qualité du pétrole est bien sûr indispensable, à l’instar de plusieurs autorités étatiques de la région. Cependant, les difficultés structurelles pour déployer les moyens de contrôle et régulation en conséquence apparaissent déjà.

Dans ce contexte, les véhicules électriques et la mobilité électrique peuvent offrir des solutions prometteuses pour réduire les impacts néfastes de l'utilisation du pétrole. Le Moyen-Orient, en tant que région riche en pétrole, pourrait également jouer un rôle clé dans cette transition vers des alternatives plus durables et respectueuses de l'environnement. De plus, l'innovation dans le domaine de la haute technologie (high tech) pourrait contribuer à accélérer ce changement climatique nécessaire.

Le potentiel de la mobilité électrique en Afrique subsaharienne

C’est pourtant face à ce constat pessimiste que le scandale sanitaire de la qualité africaine pourrait se transformer en véritable opportunité pour la région. Parce que face aux freins à une régulation effective, c’est vers une solution plus radicale, plus ambitieuse, et décisive pour se tailler un siège dans l’économie de demain, que ces métropoles devront se tourner. Cette solution, c’est la mobilité électrique. Et l’Afrique subsaharienne, en jouant habilement le coup, pourrait bien s’offrir la part du lion.

Métropoles européennes et l’amélioration la qualité de l'air

En effet, les métropoles européennes -alors même qu’elles sont ancrées dans un environnement régulatoire fort, qui a imposé assez efficacement des contraintes sur la qualité des produits pétroliers- se mobilisent pour améliorer la qualité de leur air, et axent notamment leur combat sur l’électrification des modes de transport urbains. L’un des blocages auquel doivent faire face ces mêmes villes est de composer avec des infrastructures déjà existantes, cadre sine qua non dans lequel doivent s’insérer tous types de transports, publics ou non. De plus, de lourds investissements passés (bus diesel notamment) pas forcément amortis (mais qui répondent globalement aux besoins de la population) exercent un effet de frein sur de potentiels nouveaux investissements.

Une mobilité électrique logistique comme solution radicale pour l'économie de demain

Dans les pays d'Afrique, la mobilité logistique durable est un enjeu crucial. La Banque mondiale encourage d'ailleurs des initiatives visant à promouvoir la mobilité en Afrique et soutient des projets axés sur la mobilité durable dans la région. Les avancées dans le domaine de la high tech peuvent jouer un rôle clé pour améliorer la mobilité en Afrique et contribuer à atténuer les effets du changement climatique. La mobilité en Afrique est un domaine en plein développement et représente une opportunité pour favoriser le développement économique et social de la région.

Une planification urbaine associée à des modes de transport non polluants en Afrique de l'Ouest

À l’inverse, la prise en charge récente et croissante de la planification urbaine au sein des géantes ouest-africaines (pour lutter contre l’expansion non maîtrisée et l’habitat précaire qui en résulte) amène à des changements considérables sur les cadres mêmes de ces villes. Cela passe entre autres par la redéfinition de la largeur de certaines rues existantes pour les convertir en grands axes, mais également dans la création (à partir de quasi rien) de villes secondaires en relation directe avec une métropole, à l’instar de Diamniadio pour Dakar. Si la redéfinition de ces cadres urbains est pensée pour créer les conditions d’épanouissement de modes de transports efficients et non polluants, alors les villes ouest-africaines auront pris une avance non négligeable sur l’un des facteurs clés d’attractivité et de développement au sein du réseau métropolitain mondial. En effet, comme mentionné dans un article de Jeune Afrique, l’attractivité économique durable d’une métropole est largement déterminée par sa capacité « à assurer une bonne articulation entre le local, le national, le sous-régional, le continental et le mondial, qui n’est possible que si elle est dotée d’un plan de mobilité et de transports efficace ». Et, cela va de pair, la qualité de l’air d’une ville (induite par des transports propres) devient un facteur déterminant pour attirer les talents et augmenter la productivité générale.

Dans le contexte africain, l'essor des véhicules électriques peut jouer un rôle majeur dans la transformation du secteur automobile et de la mobilité. Les véhicules électriques offrent une solution plus propre et plus durable pour les déplacements, réduisant ainsi l'impact environnemental. Les pays africains ont un grand potentiel de marché pour les véhicules électriques, et leur adoption peut contribuer au développement économique et à la création d'emplois dans le secteur de la mobilité électrique en Afrique.

L'essor des véhicules électriques et la transformation de la mobilité en Afrique

L'électrification des transports en Afrique présente également des opportunités pour le développement des infrastructures de recharge et des technologies connexes. Les avancées dans le domaine de la high tech peuvent soutenir le déploiement de solutions innovantes, telles que les réseaux de recharge intelligents et les applications mobiles pour la gestion de la mobilité électrique. Ces technologies peuvent faciliter l'expansion de la mobilité électrique en Afrique et contribuer à la création d'un écosystème durable et efficace.

Pour que la transition vers la mobilité électrique soit réussie en Afrique, il est essentiel de mettre en place des politiques et des incitations favorables, ainsi que des partenariats public-privé solides. Les gouvernements, les entreprises et les organismes internationaux doivent collaborer pour développer des stratégies intégrées qui favorisent l'adoption des véhicules électriques et la mise en place d'une infrastructure de recharge accessible et fiable. En investissant dans la mobilité électrique, les pays africains peuvent non seulement contribuer à la lutte contre le changement climatique, mais aussi stimuler leur propre développement économique et améliorer la qualité de vie de leurs citoyens.

Mener dès maintenant d’ambitieux plans de transition vers la mobilité électrique en Afrique paraît d’autant plus stratégique que les rapports sont consensuels : la décarbonisation de l'économie passe par son électrification. En d’autres termes, il ne s’agit pas de se contenter de remplacer les unités polluantes de production électrique par des sources propres, mais de rendre électriques des secteurs qui jusqu’à présent ne l’étaient pas. L’électrification des transports est donc décisive pour atteindre des objectifs tant ambitieux qu’indispensables de décarbonisation de l’économie et de la société.

Les transports en commun : une avancée majeure vers l'électrification de la mobilité urbaine en Afrique

Mais constate-t-on réellement des avancées en ce sens ? Oui ! Bien qu’à l’état encore embryonnaire, des initiatives sont prises. Cela passe déjà par les transports en commun, qui permettent de désengorger les villes (par comparaison aux transports individuels, qu’ils soient deux ou quatre roues), et donc de réduire considérablement les émissions polluantes et nocives. L’avantage net que présentent les transports en commun dans une stratégie d’électrification de la mobilité, c’est que les autorités publiques sont seules décisionnaires quant à l’énergie utilisée, dans la limite des possibilités techniques offertes.

Dans le marché africain, l'industrie automobile connaît une évolution significative. L'électrification des transports en Afrique présente une opportunité pour le développement de l'industrie automobile africaine, qui pourrait se positionner comme un acteur clé sur ce marché en pleine croissance. Les investissements dans l'offre électrique et les infrastructures de recharge sont essentiels pour soutenir cette évolution. Des millions de dollars sont investis dans le développement de véhicules électriques adaptés aux besoins et aux conditions africaines, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives économiques.

Favoriser la collaboration public-privé

Pour que ces avancées se concrétisent, il est nécessaire de favoriser la collaboration entre les acteurs publics et privés, ainsi que de mettre en place des politiques incitatives et des réglementations favorables à l'électrification des transports. En investissant dans l'électromobilité en Afrique, il est possible de stimuler l'innovation, de créer des emplois et de contribuer à la transition vers une économie plus durable et respectueuse de l'environnement.

Les exemples de Dakar, Abidjan, Ouagadougou et Lagos

Ainsi, au Sénégal, la nouvelle ligne de TER Dakar-Diamniadio-Aéroport Blaise Diagne, qui sera mise en service en 2019, fonctionne en bi-mode, c’est-à-dire à la fois électricité et diesel. Si l’on peut intuitivement regretter ce dernier point, il faut néanmoins savoir que les trains régionaux français fonctionnent toujours soit uniquement au diesel, soit sur ce bi-mode. Cette grande ligne de TER électrifiée constitue donc indéniablement une grande avancée dans le verdissement de la capitale sénégalaise et de sa région. Concernant le ferroviaire (au Sénégal ou ailleurs), il s’agira d’observer dans les prochains mois et années l’attention que portent (ou non) les États et gouvernements municipaux ouest-africains aux trains hydrogène, sur lesquels Alstom a fait des pas de géant. NB : l’hydrogène est la forme gazeuse sous laquelle on peut stocker de l’électricité, après le processus de conversion dit de l’électrolyse. La combustion de l’hydrogène en tant que carburant n’émet pas de CO2.

À Abidjan, des bus électriques Bluebus ont été mis en service dès 2013 sur le campus universitaire Félix Houphouët Boigny. L’électricité est stockée dans des batteries lithium-ion, qui est autant que possible relayée par l’énergie produite instantanément par les quelques panneaux photovoltaïques situés sur le toit de ces Bluebus (une dimension particulièrement logique en Afrique de l’Ouest, où l’ensoleillement est fréquent et intense).

À Ouagadougou, un tramway est prévu pour 2025. Rien n’a été communiqué pour le moment sur la source d’énergie du tramway, mais l’électricité est globalement privilégiée pour les trams, et l’implication de la RATP dans le projet laisse penser que ce sera effectivement le cas.

À Lagos, les autorités municipales tentent de désengorger la ville en développant le transport lagunaire. L’eau représentant 25% de la surface de la ville, elle peut être un rouage essentiel dans la rationalisation de la mobilité au sein de la capitale nigériane. Et bien que les premiers appels d’offres se tournent sans l’expression d’un doute vers les ferries classiques, l’apparition de ferries électriques dans un nombre croissant de ports européens peut laisser espérer à ce que la prochaine génération de navettes lagunaires soit propre, si des pressions sont exercées en ce sens-là.

Vers une mobilité urbaine agile et multimodale en Afrique de l'Ouest

Enfin, une organisation efficace de la mobilité urbaine se pense en termes d’agilité et de multimodalité, c’est-à-dire que les usagers peuvent utiliser successivement dans leurs trajets des modes de transports différents mais déployés de manière complémentaires. En ce sens, si les scooters électriques en libre-service qui éclosent dans les métropoles françaises n’ont pas encore été aperçus dans les villes ouest-africaines, les rumeurs quant au déploiement prochain de flottes (notamment à Dakar) ne manquent pas. Espérons que les bruits se vérifient ! Dans la même lignée, la programmation par le gouverneur d’Abidjan Beugré Mambé de la construction de 50km de pistes cyclables et piétonnes constitue une avancée majeure. Et pour ceux qui se diraient que la multimodalité urbaine (utiliser les transports en commun sur une partie du trajet, et un mode de transport individuel sur une autre partie) cyclo-piétonne a ses limites pour certaines distances, le développement d’une flotte de vélos à assistance électrique au Maroc pourrait leur donner tort.

Une scooter éclairée dans la nuit - Sénégal
Une scooter éclairée dans la nuit - Sénégal

Et si la mobilité africaine devenait électrique ?

Véhicules légers solaires en Afrique : une mobilité spécifiquement africaine pour un fleuron industriel

Toutes ces initiatives sont essentielles. Cependant, il est permis aux métropoles africaines -voire le reste du territoire régional ! - de voir plus loin que le simple calque des cités européennes dans leur stratégie d’électro-mobilité. En effet, lorsque l’on parle de véhicules électriques individuels, la voie du solaire n’a pas fait émoi longtemps au nord de la Méditerranée. Deux raisons à ça : d’une part le manque d’ensoleillement (nombre d’heures et intensité) ; d’autre part la très bonne intégration réseau, qui semble rendre plus pertinente la voie des bornes de recharge pour véhicules. En Afrique subsaharienne, les conditions climatiques sont idéales pour rendre le solaire efficace sur des véhicules légers et, à l’inverse, les problèmes structurels encore liés aux réseaux électriques handicapent le déploiement de bornes de recharge (sans pour autant l’invalider totalement).

Ainsi, de par ses conditions et contraintes spécifiques, il faut considérer une certaine mobilité spécifiquement africaine, avec un avantage naturel pour le solaire … et que les pays et citoyens de la région en profitent pour engendrer un fleuron industriel africain !

Ainsi, la compagnie Carbon Credit Network a conçu des véhicules légers, adaptés aux entreprises de taxis et de livraison, avec une batterie à l’autonomie de 200km (charge complète) globalement alimentée par des panneaux photovoltaïques installés sur le toit. Le but : faire diminuer drastiquement la pollution liée aux transports qui étouffe Lagos. Si les 50 véhicules pour le moment distribués peuvent paraître bien faibles, le projet est très jeune et promis à une forte croissance, d’autant plus que tout est pensé pour la durabilité du véhicule : peu de pièces, toutes remplaçables si un problème est rencontré. En somme : une proposition écologique intégrale.

Au Togo, ce sont des véhicules adaptés à d’autres besoins (plus lourds, fermés, plus rapides) qui associent le système solaire au moteur électrique, pour la première voiture solaire intégralement africaine (2016) ! Ils sont dotés d’une batterie rechargeable et d’un panneau solaire de 250 watts. Leur coût -entre 1. 200. 000 F CFA et 3. 200.000 F CFA- est encore élevé mais pas non plus stratosphérique et, une fois un certain stock écoulé et demande identifiée, des économies d’échelle pourraient progressivement les rendre accessibles.

Sur une échelle autrement plus grande, l’Afrique du Sud est d’ores-et-déjà considéré comme l’un des leaders mondiaux de la mobilité électrique, et de plus en plus de voix pointent -pour affirmer ce leadership- la nécessité de concentration des efforts sur la filière de transports électro-solaires comme axe de différenciation avec les autres places fortes mondiales de l’industrie automobile.

Une route de sable vue d’une voiture - Sénégal
Une route de sable vue d’une voiture - Sénégal

D'ici peu, ce véhicule pourrait être électro-solaire, et intégralement produit en Afrique

Confrontées à une pression sanitaire et environnementale croissante largement liée au secteur des transports, les métropoles africaines pourraient réagir ambitieusement, et ainsi :

  • Se tailler un cadre économique attractif dans l’archipel mégalopolitain mondial en améliorant à la fois efficience de leurs transports et qualité de l’air, par une stratégie de rationalisation et d’électrification ;
  • Impulser, par la volonté d’électrification des transports, la naissance d’une industrie forte et spécifiquement africaine, basée sur la voie de l’énergie solaire, en adéquation avec les conditions continentales propres.

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