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Ce sera sans trop de difficultés et sans forcément en connaitre les tenants et aboutissants que vous opposerez le terme low-tech (basses technologies) au terme high-tech (hautes technologies) bien connues de nos sociétés.
Faisons donc un rapide point sur ces dernières avant de commencer notre analyse.
Les high-techs regroupent l’ensemble des technologies de pointe qui sont définies comme étant le moteur de notre système technique et économique actuel. Ultra présentes dans l’industrie mais aussi dans notre quotidien elles sont très énergivores et consommatrices de matériaux, dont certains métaux d’ores et déjà rares sur notre planète.
Et leur croissance ne fait qu’augmenter.
Un problème se heurte alors à nous avec un constat sans appel : une croissance infinie dans un monde fini n’est pas possible. La consommation de ressources non renouvelables sur laquelle est basé notre système va nous amener tôt ou tard à des pénuries diverses.
Alors quelles sont les innovations technologiques à choisir pour éviter de foncer dans le mur ?
Aujourd’hui certaines high-techs verdissent leur profil et on voit émerger de plus en plus d’innovations technologiques dites « vertes », comme les « green-techs » ou encore les « smart-techs ». Celles-ci sont censées résoudre nos problèmes environnementaux en proposant des technologies bas carbones, des systèmes optimisés, des villes intelligentes et des nanotechnologies à grands renforts d’innovation numérique.
Plutôt que de nous aider dans notre problème, elles pourraient s’avérer être de fausses bonnes solutions.
Je m’explique.
Premièrement, l’effet rebond empêche ces technologies de faire une grande différence. En d’autres termes, les économies énergétiques et matérielles qu’elles entrainent sont immédiatement compensées par l’augmentation de la consommation de nos sociétés. Ensuite, il est erroné de croire en une société durable qui serait dématérialisée et basée sur ces technologies. On a jamais autant consommé de métaux qu'aujourdui pour répondre justement aux besoins de cette dématérialsation. Enfin, leur recyclage est de plus en plus difficile car tout est plus complexe : les alliages, les matériaux composites, les systèmes électroniques.
Peut-être faut-il alors réfléchir à une autre manière de concevoir le progrès technologique, une manière plus résiliente et durable de se servir de la technique et de se la réapproprier ànotre échelle. Cette innovation ne serait donc pas High-tech mais plutôt ce qu’on appellera « Low-tech ».
Là, avant d’entamer la définition de l’approche low-tech, il est important de déconstruire un préjugé qui lui colle à la peau. Elles sont parfois associées à des technologies de l’ancien temps et symbolisent ainsi un retour vers le passé. Or elles ne se définissent pas comme cela. Les anciennes technologies peuvent être utiles et servir de base, car la plupart du temps, elles étaient faites de matériaux naturels et répondaient toujours à un réel besoin. Elles n'exigeaient pas non plus beaucoup d'énergie pour répondre aux besoins locaux car elles n'avaient pas le choix d'être autrement. Mais il ne s'agit pas de stopper l'incroyable invention humaine ou la recherche scientifique. Nous avons tout intérêt à également utiliser les connaissances récentes et faire appel à notre imagination et à notre ingéniosité.
Ainsi l'objectif de l’innovation low-tech est de rechercher des technologies et systèmes anciens, actuels ou futurs qui bénéficieront à la résilience collective et qui prendront en compte la finitude des ressources de notre planète.
Dans la suite de cet article je présenterais les caractéristiques générales que l’on attribue aujourd’hui aux low-techs sans pour autant qu’elles soient complètement figées. Ensuite je comparerais par l’analyse low-tech l’action de JOKOSUN au Sénégal par rapport à la méthodologie classique aujourd’hui pour répondre au problème de l’électrification.
La frontière entre ce qui sera qualifié de low-tech ou non peut être différente pour chaque personne mais certains critères guident la réflexion.
Le Low-TechLab
Le Low-Tech Lab est une association qui s’est donnée pour mission de « partager les solutions et l’esprit low-tech avec le plus grand nombre, afin de donner à chacun l’envie et les moyens de vivre mieux avec moins ». Ainsi pour cette association le terme Low-Tech est utilisé pour qualifier « des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée » qui englobent la technologie selon trois aspects qui en font donc la définition.
Tout d’abord, une low-tech doit répondre « à des besoins essentiels à l’individu ou au collectif », c’est le premier critère : être utile.
Ensuite, elle doit être accessible au plus grand nombre en termes de connaissances et d’économie. C’est-à-dire être fabricable et réparable localement et à moindre coût afin de convenir à une large partie de la population. Dans cette optique elle permet de favoriser « une plus grande autonomie des populations à tous les niveaux, ainsi qu’une meilleure répartition de la valeur ou du travail. »
Finalement, une technologie low-tech doit être durable, c’est-à-dire, toujours selon le Low-Tech Lab, robuste, résiliente, recyclable, éco-conçue, agile, fonctionnelle. Donc durable dans le sens où elle dure dans le temps mais aussi durable au sens sociétal : « la low-tech promeut des solutions, des activités et des connaissances relocalisées, diminuant ainsi autant leur empreinte environnementale que leur empreinte sociale, et sortant de la logique d’exploitation. »
Cette définition en trois critères principaux est la plus courante que l’on trouve sur le sujet.
Constat
Fin 2018, le taux d’accès à l’électricité du Sénégal est estimé à 42% pour les populations rurales. Déjà exprimé dans d’autres articles sur ce blog ce pourcentage ne reflète pas les fortes inégalités entre les régions. Or celles-ci sont bien présentes, sur les 14 régions du Sénégal, 9 ont un taux d’électrification allant de 31% à 56% et 2 sont en dessous de 20%.
Aujourd’hui le Sénégal est conscient que le développement de son pays passe par l’accès à l’énergie pour tous et des plans d’actions ont été mis en place par l’état afin de massifier cet accès en prolongeant le réseau de distribution. Notons également que 7% de l’électrification est faite grâce aux mini-réseaux ou aux systèmes autonomes, ce que propose Jokosun.
Comparons, à travers le prisme des low-techs, la solution qui consiste à prolonger le réseau électrique de la SENELEC jusque dans les zones rurales pour palier à la faible électrification, à la solution que Jokosun propose.
Être utile
On l’a vu juste au-dessus l’électrification du Sénégal est primordiale et les deux solutions sont forcément très utile. Cependant, prolonger le réseau coûte extrêmement cher - 29000 euros par kilomètre – et apporte une quantité d’énergie souvent bien supérieure aux réels besoins des localités. C’est donc là qu’on voit la différence, en apportant « trop » d’électricité il y aura un surplus qui ne sera pas utilisé ce qui est absurde. Les kits autonomes quant à eux, vont être dimensionnés pour apporter la quantité d’électricité qui correspond au besoin de chaque foyer.
Être accessible au plus grand nombre
Tout d’abord pour ce qui est de l’accessibilité financière, le principe d’accession-location mis en place par Jokosun permet à tout le monde d’obtenir son kit. Le but principal de Jokosun étant de rendre l’électricité accessible à tous. En revanche, la prolongation du réseau coutant très cher le coût de l’électricité sera forcément élevé aussi.
Ensuite, voyons l’accessibilité au niveau des connaissances et compétences nécessaires pour comprendre le fonctionnement et éventuellement en assurer la maintenance. Pour le réseau ou la solution Jokosun des installateurs et techniciens viennent assurer la maintenance. Cependant d’une part avec Jokosun elle est garantie à vie et d’autre part en cas de panne sur le réseau le problème peut venir de plusieurs endroits sur le réseau de distribution pas forcément accessible ou réparable facilement. Tandis que sur un système autonome toute la chaine de production et distribution est sur place et il est plus simple de réparer et comprendre une installation à échelle humaine.
Être durable
Jokosun garanti ses installations 25 ans et assure un suivi à vie. La durée de vie des panneaux et d’environ 30 ans ce qui est la durée de vie minimum des autres équipements fournis. La filière du recyclage du secteur de l’électronique et du solaire photovoltaïque est en croissance et Jokosun a fait le choix de panneaux en silicium monocristallins qui sont recyclable de par leur plus grande simplicité dans les matériaux utilisés. Le réseau quant à lui consomme d’énorme quantité de matières premières parfois sur de très longues distances inhabitées pour rejoindre un village et les vols de ces précieuses ressources sont réguliers, la durabilité des installations est donc entachée par l’attirance qu’elle apporte.
Aujourd’hui les low-techs ont un important rôle à jouer dans la transition énergétique et le développement des pays émergents, que ce soit avec des kits solaires autonomes où la high-tech est encore très présente ou bien sur des systèmes comme des fours solaires pour être encore plus dans l’esprit low-tech. En effet, l’accessibilité et la durabilité des systèmes dans le but de répondre à un réel besoin permet de remettre l’intérêt de l’humain et de la planète au centre en s’écartant des dérives que peuvent avoir aujourd’hui les grandes puissances mondiales et leur société de consommation et de croissance infinie.
