Le coût élevé du kilowatt-heure (KWh) d'électricité au Sénégal est devenu un sujet de préoccupation majeur. Face à cette réalité, il est essentiel d'analyser si cette situation est inévitable ou le résultat d'une politique inefficace de la Senelec. Dans cette série d'articles, nous examinerons les possibilités d'améliorer la production d'électricité au Sénégal en se concentrant sur quatre piliers fondamentaux : l'abondance, l'abordabilité, le caractère renouvelable et le mix énergétique, ainsi que l'efficacité. Avant d'explorer ces solutions, la Partie I de cette série nous offre un aperçu de la situation actuelle de la production d'électricité au Sénégal.
D'après les estimations des autorités actuelles, le Sénégal devrait compter près de 32 millions d'habitants d'ici 2045 et être classé comme un pays émergent, avec un PIB nominal de 67 milliards de dollars et une consommation électrique par personne comprise entre 1600 et 1700 kWh par an.
Cette consommation électrique équivaudrait à 52 TWh au niveau national, soit environ 15 fois notre consommation actuelle (3,6 TWh). Selon ces prévisions, le coût du kWh devrait être réduit, passant de 115 fcfa actuellement (Décembre 2019) à environ 60 à 80 fcfa.
La question énergétique est considérée comme l'un des piliers essentiels pour atteindre le statut d'émergence par nos gouvernants, via le Plan Sénégal Émergent (PSE). Ce plan vise à garantir un accès large et fiable à une énergie abordable et constitue la référence pour la politique économique et sociale à moyen et long terme du gouvernement actuel.
Cependant, malgré cette ambition, plusieurs défis persistent après plus de 5 ans de mise en œuvre du PSE :
- Une crise tarifaire de l'électricité.
- L'objectif prioritaire d'atteindre un mix énergétique de 20% d'énergies renouvelables d'ici 2017 n'a pas été réalisé et reste à 13% en 2019.
- Le PSE semble avoir rencontré des difficultés dans son volet énergétique.
Après 60 ans d'indépendance, il est indéniable que les politiques énergétiques mises en œuvre dans le pays n'ont jamais été à la hauteur des enjeux, malgré l'abondance de ressources disponibles pour assurer une indépendance énergétique.
Cette aspiration à l'indépendance énergétique, combinée à une prise de conscience écologique, devrait inciter les pouvoirs publics, actuels et futurs, à opter en priorité pour une politique énergétique ambitieuse basée sur un mix énergétique diversifié et la promotion des énergies renouvelables.
Avant d'explorer en détail les propositions de solutions pour la production d'électricité répondant aux critères d'abondance, d'abordabilité, de caractère renouvelable, de diversification et d'efficacité il est important de revenir sur la situation actuelle de la production d'électricité au Sénégal.
La Production et la Consommation d'électricité au Sénégal
Les Sénégalais ne cessent de protester contre la hausse du coût de l'électricité. Au-delà de ces protestations légitimes, il est crucial d'analyser la politique mise en œuvre par les différents gouvernements en ce qui concerne la production et la fourniture d'électricité, aussi bien pour les populations que pour les entreprises.
Production d'électricité au Sénégal
La Société Nationale de l'Electricité (Senelec), une société anonyme à participation majoritairement publique, occupe une position dominante dans le secteur électrique sénégalais. Elle détient le monopole du transport sur l'ensemble du territoire ainsi que de la distribution dans sa zone de concession.
Opérant depuis les années 60, la Senelec dispose d'une capacité de production électrique d'environ 600 MW. Elle exploite un parc de production et a signé des contrats d'achat d'électricité avec les États de la sous-région pour exploiter des centrales hydroélectriques telles que Manantali, Felou et Somelec, ainsi que des producteurs indépendants selon le concept "Build Own and Operate" (BOO). Par le biais d'appels d'offres, l'État sénégalais agrée des promoteurs pour produire de l'électricité, qu'ils injectent ensuite dans le réseau de la Senelec avec un système de comptage. Ces promoteurs sont communément appelés des IPP (Indépendant Power Production).
La Senelec conserve le monopole du transport et de la distribution de l'énergie électrique, alors que seule la production électrique est libéralisée au Sénégal.
En 2019, la capacité de production de la Senelec s'élève à 554 MW grâce à ses propres centrales, tandis que la pointe de consommation est estimée à près de 700 MW.
Les producteurs indépendants d'énergie électrique vendant leur production à la Senelec se divisent en deux groupes :
- Ceux qui utilisent des sources d'énergie fossile, avec une capacité de production de 445 MW en 2019.
- Ceux qui exploitent l'énergie solaire et éolienne pour une capacité de production de 170 MW en 2019.
Pour compenser l'insuffisance de production électrique au Sénégal, le gouvernement rachète également de l'électricité produite par des centrales hydroélectriques au niveau sous-régional (OMVS et OMVG) pour une capacité totale de 95 MW en 2019.
Centrales électriques | Types | Propriétaire | Capacité |
Cap des Biches C3+C4+TAG2+TAG3+Contour Global+West Africa | Fioul+GNL | Senelec+Privés | 652.2 MW |
Bel Air | Fioul+GNL | Senelec | 133.7 MW |
Kahône (C1+C7) +Extension | Fioul | Senelec | 115.8 MW |
Manantali,Gouina,Kaléta et Felou | Hydroélectrique | OMVS | 197.5 MW |
IPP GTI – CS | Fioul | Senelec | 52 MW |
IPP Kounoune 1 | Fioul | Senelec | 67.5 MW |
Sococim | GNL/solaire/Charbon | Sococim | 57 MW |
Tobéne | Fioul | Senelec | 117.8 MW |
ICS | Charbon | ANDORAMA | 20 MW |
Ziguinchor | Fioul | Senelec | 30 MW |
Tamba et Boutoute | Fioule | Senelec | 20 MW |
Centrale thermique de Sendou | Charbon | Barack Found | 125 MW |
Centrale de Malicounda | Gaz Naturel | Melec Power | 125 MW |
Barge | Gaz Naturel | KARPOWERSHIP | 236 MW |
Taiba Ndiaye | Eolien | Lekela Power | 158.7 MW |
Manantali | Hydroélectrique | OMVS | 66 MW |
Maliconda | Solaire | Solaria Kima | 22 MW |
Diass +CICAD +Stade MAW | Solaire | Senelec | 28 Mw |
Bokhole | Solaire | Synergy SARL | 20 MW |
Kahone | Solaire | Engi Meridien | 35 MW |
Kahone | Solaire | Energy ressource | 20 MW |
Kael | Solaire | Scaling Solar | 25 MW |
Santiou Mekhé | Solaire | Synergy | 30 MW |
Mérina Dakhar | Solaire | Ten Merina | 30 MW |
Sakal | Solaire | Senelec | 20 MW |
Kiréne | Charbon | Dangoté | 15 MW |
Fabrimétal | Fuel | Privé et Senelec | 15 MW |
Réseaux non connectés | Fioul | Divers Senelec | 30 MW |
Sabodala | Fioul | MDL | 43 MW |
CSD Power | Fioul | CDS | 54 MW |
GCO | Fioul | GCO | 36 MW |
Analyse de la Production et de la Consommation d'électricité au Sénégal
En 2019, la capacité totale de production d'électricité de la Senelec, incluant la centrale à charbon de Sendou, s'élevait à 1264 MW, répartie de la manière suivante :
- 80% provenaient de centrales utilisant du fioul lourd et du gaz.
- 7% étaient générés par des centrales hydrauliques.
- 13% étaient issus d'énergies renouvelables, combinant l'énergie solaire (129 MW) et éolienne (41 MW).
Il est important de noter que ces pourcentages sont basés sur la capacité de production et non sur la part réelle de production, qui est inférieure.
L'État subventionne la Senelec pour maintenir un prix minimal du kilowatt-heure. Au cours des cinq dernières années, l'État a accordé des subventions d'un montant total de 505 milliards de FCFA, permettant ainsi aux consommateurs de bénéficier d'un tarif compris entre 110 FCFA et 130 FCFA par kWh.
La Commission de Régulation du Secteur de l'Electricité (CRSE) est responsable de l'octroi des licences de production d'électricité aux sociétés privées (IPP) et détermine le montant des subventions de l'État à la Senelec.
Cependant, le FMI a remis en question ces subventions, les considérant comme non conformes aux normes de concurrence économique mondiale.
Le Sénégal s'approvisionne en hydrocarbures pour faire fonctionner les centrales thermiques de la Senelec, ce qui représente une dépense significative pour l'économie du pays. En 2010, par exemple, l'État a dépensé 612 milliards de FCFA pour l'approvisionnement en hydrocarbures, dont près de 85% ont été utilisés pour alimenter la Senelec. Cette dépendance coûteuse en énergie fossile affecte fortement la productivité économique.
La Senelec revend la production d'électricité des IPP à un prix deux fois plus élevé aux consommateurs sénégalais. Par exemple, le prix de vente à la Senelec du kWh produit par des IPP utilisant des panneaux solaires est d'environ 60 à 65 FCFA.
En 2019, seulement 13% de l'électricité était produite à partir de sources renouvelables telles que les parcs photovoltaïques et éoliens, alors que l'engagement du Plan Sénégal Emergent (PSE) était d'atteindre 20% de mix énergétique en 2017, objectif qui n'a pas été réalisé.
La Senelec, avec un réseau vétuste et un équilibrage insuffisant, enregistre près de 20% de pertes dans la production d'électricité, bien au-dessus de la moyenne mondiale de 6% à 8%.
Le choix actuel de dépendre principalement des hydrocarbures comme source d'énergie explique pourquoi le prix du kWh d'électricité au Sénégal reste élevé.
Les 600 MW de production en moyenne de la Senelec ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins en énergie domestique des populations et des industries.
Certaines grandes unités de production comme la Sococim, les ICS, les Grands Moulins et la Suneor produisent leur propre électricité grâce à des turbines qui récupèrent la chaleur générée par leurs machines de transformation ou de production.
La Senelec ne peut pas fournir de manière continue l'électricité nécessaire pour satisfaire la demande de ces unités de production, et certaines d'entre elles revendent même le surplus de leur production à la Senelec.
Il est donc évident que la production d'électricité actuelle est insuffisante et coûteuse. Pour industrialiser le pays et améliorer sa compétitivité avec des prix d'électricité abordables, il est impératif de changer de méthode de production en adoptant davantage de sources d'énergie renouvelables.
L'autonomie énergétique est essentielle pour le développement du pays, et l'électricité est au cœur de cette réalisation. Elle est la clé qui ouvre la porte à de multiples possibilités, notamment la production, la croissance des petites et moyennes entreprises et la transformation des ressources naturelles.
Le défi du développement est intrinsèquement lié à l'accès à l'énergie, et pour y faire face, il est crucial d'assurer une énergie suffisante et abordable. Ceci ouvrira la voie à la création d'emplois et favorisera un environnement propice à l'épanouissement et à l'innovation dans le pays.
Produire de l'électricité à moindre coût grâce aux énergies renouvelables
Face à la crise du prix de l'électricité, il est essentiel d'explorer des alternatives pour obtenir une électricité abondante et abordable. L'utilisation d'énergies fossiles pour produire de l'électricité a un impact considérable sur le coût de la productivité et entraîne toute économie dans un gouffre financier. Le Sénégal, avec sa production d'électricité coûteuse, est également affecté par cette réalité.
Pour surmonter ces difficultés, l'adoption d'une politique alternative axée sur les énergies renouvelables offre une voie prometteuse pour une production d'électricité à moindre coût.
Le soleil se présente comme la source d'énergie renouvelable la plus puissante et gratuite. Le Sénégal, avec son ensoleillement favorable, possède un potentiel solaire considérable dans la région de l'Afrique de l'Ouest, avec une moyenne de 5,5 kWh/m²/jour au sol et une énergie solaire brute dépassant 2 000 kWh/m²/an sur la majeure partie du pays.
Selon les tendances d'ensoleillement en Afrique, le Sénégal est classé parmi les pays favorisés pour l'utilisation de l'énergie solaire.
Des projets tels que "Desert to Power" de la Banque africaine de développement prévoient de fournir de l'énergie à 250 millions de personnes dans la bande sahélienne, du Sénégal à l'Éthiopie, en créant la plus grande zone de production solaire au monde avec une capacité de 10 000 MW.
Le Sénégal bénéficie d'un ensoleillement équilibré tout au long de l'année, même s'il peut être réduit pendant la saison des pluies. Son potentiel solaire est évalué à près de 394 milliers de milliards de kWh par an, soit environ 33 830 000 000 TEP (tonnes équivalent pétrole). Ce gisement solaire représente 15 millions de fois la consommation totale d'énergie du pays, dépassant largement les besoins actuels en électricité.
L'exploitation de l'énergie solaire au Sénégal est encore sous-utilisée malgré son immense potentiel. Un programme sérieux visant à exploiter cette ressource permettrait d'assurer une alimentation électrique suffisante pour tout le pays.
Pour produire de l'électricité à moindre coût sans dépendre des combustibles fossiles, le Sénégal devrait s'orienter vers les énergies propres et futures disponibles. Une installation solaire sur seulement 1% du territoire national pourrait couvrir largement les besoins énergétiques actuels.
Il existe plusieurs technologies pour transformer l'énergie solaire en électricité. Cependant, la centrale solaire thermodynamique (CSP) est considérée comme une solution d'avenir pour produire de l'électricité renouvelable à moindre coût. Les CSP transforment l'énergie rayonnée par le soleil en chaleur pour ensuite la convertir en énergie électrique, sans avoir besoin de fioul, de pétrole ou de gaz.
En concluant, en s'appuyant sur ses ressources naturelles abondantes et en adoptant les technologies appropriées, le Sénégal a le potentiel de produire de l'électricité à moindre coût en utilisant des énergies renouvelables, ouvrant ainsi la voie à une industrialisation accrue, la création d'emplois et le développement durable du pays.
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